EGLISE
PROTESTANTE UNIE DE BEZIERS 2ème séance d'étude
biblique
-
MICHEE, chap. 1, v. 2 à 7 –
TOB | NBS | Traduction personnelle |
2Ecoutez, tous les
peuples ! Sois attentive, terre et ce qui la remplit. Le Seigneur DIEU va témoigner contre vous, le Seigneur, depuis son sanctuaire. |
2Ecoutez, vous tous, peuples ! Prête attention, terre, toi et ce qui te remplit ! Que le Seigneur DIEU soit témoin contre vous, le Seigneur, depuis son temple sacré ! |
Ecoutez, tous les peuples !
Fais attention, terre et ce qui te
remplit !
Le Seigneur (– Adonaï) YHWH
est témoin contre vous,
Le Seigneur (– Adonaï) depuis son temple saint ! |
3Voici que le SEIGNEUR
sort de sa demeure. Il descend, il marche sur les hauts lieux de la terre. |
3Car le SEIGNEUR sort de son lieu il descend, il marche sur les hauteurs de la terre. |
Car voici YHWH sort de
son lieu,
Il descend et s'avance sur le haut-lieu de la terre |
4Les montagnes fondent
sous ses pas, les fonds de vallée se crevassent, comme la cire devant le feu, comme l’eau répandue sur une pente. |
4Sous lui les montagnes fondent, les vallées s'entrouvrent comme la cire devant le feu, comme l'eau qui dévale une pente. |
Il fait fondre les montagnes sous
Lui,
Les vallées se fendent,
Comme la cire face au feu
Comme les eaux tombent la pente de la montagne |
5Tout cela, à cause de
la révolte de Jacob, à cause des péchés de la maison d’Israël. Quelle est la révolte de Jacob ? N’est-ce pas Samarie ? Quels sont les hauts lieux de Juda ? N’est-ce pas Jérusalem ? |
5Et tout cela à cause de la transgression de Jacob, à cause des péchés de la maison d'Israël ! Quelle est la transgression de Jacob ? N'est-ce pas Samarie ? Quels sont les hauts lieux de Juda ? N'est-ce pas Jérusalem ? |
Tout cela, de la faute de Jacob
Tout cela du péché de la maison
d'Israël
Quelle est la faute de Jacob :
– n'est-ce pas Samarie ?
Quel est le haut-lieu de Juda :
– n'est-ce pas Jérusalem ? |
6Je vais faire de Samarie
un champ de ruines, une terre à vigne. Je ferai débouler ses pierres au ravin, et ses fondations, je les mettrai à nu. |
6Je ferai de Samarie un monceau de pierres dans les champs pour y planter de la vigne ; je précipiterai ses pierres dans la vallée, je mettrai ses fondations à découvert, |
Je ferai de Samarie un terrain de
ruines
Un lieu de vigne
Je ferai débouler ses pierres au
ravin
Je mettrai ses fondations à nu.
|
7Ses statues seront
toutes brisées, ses gains seront tous livrés aux flammes. Toutes ses idoles, je les mettrai en pièces, car, amassées avec des gains de prostituées, gains de prostituées elles redeviendront. |
7toutes ses statues seront mises en pièces, tous ses gains seront jetés au feu, et je démolirai toutes ses idoles : recueillies avec le gain de la prostitution, elles redeviendront un gain de prostitution. |
Toutes ses statues seront mises en
pièces
et tous ses gains seront jetés au
feu
Je démolirais toutes ses idoles
Car, rassemblées avec des gains de
prostituées
Elles redeviendront des gains de prostituées |
INTRODUCTION
Suivant
le premier verset du texte biblique, nous avons donné la fois
précédente une introduction au livre de Michée. Nous suivrons
désormais le plan indiqué lors de cette première séance. Nous
nous concentrons donc aujourd'hui sur les 7 premiers versets du
chapitre 1. Cette section est intitulée « Oracle contre
Samarie », ou selon la TOB « Condamnation Solennelle
d'Israël » dont Samarie était la capitale. C'est autour de
cette donnée de la destruction de la ville que nous avons construit
cette étude.
LECTURE SUIVIE
v. 2 « Ecoutez
tous les peuples »
Nous
trouvons là, à l'ouverture de ce texte le verbe écouter שםע
– chema - qui rappelle le grand commandement du
Deutéronome : « Ecoute Israël » : « Ecoute
Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN. Tu aimeras
le Seigneur ton Dieu de tout cœur, de tout ton être, de toute ta
force » (Deut. 6, v. 4). Ainsi,
comme dans le texte du
Deutéronome, le v. 2 comporte la mention du nom de Dieu. Reste que
ce rapprochement appelle deux nuances d'importance : chez Michée
le verbe est conjugué au pluriel – ce sont les peuples, ou les
nations qui en sont le sujet - et surtout ce verbe est redoublé avec
une autre forme verbale קשב
– kechab –
qui peut se traduire par : « sois attentif » ou
« fais bien attention ».
Le
redoublement de la forme verbale créée une distance avec le
Deutéronome, mais donne aussi une emphase au verset. Cette
insistance est aussi donnée par la variation des sujets :
d'abord « les peuples » ou « les nations » et
ensuite « la terre et tout ce qui la remplit ». Par cette
formule, on ne peut trouver plus globalisant ! Nous retrouvons
le verbe םלא
– mala' –
remplir ; qui est le verbe que prononce Dieu au moment de la
création « remplissez la terre »
(Gen. 1, 28) .
Bien que concernant un événement particulier, pour une ville
particulière dans une nation particulière ; l'adresse du
prophète est donc très nettement universelle.
v.2 être « témoins
contre vous »
Cette
formule peut être comprise comme un écho à une formule
Deutéronomiste restée célébre, une formule redoublée qui encadre
le livre du Deutéronome : à son débt – chap.4 et à sa fin,
chap. 30 :
Deutéronome 4, v. 25s: « Lorsque tu auras des fils et des
petits-fils et que vous serez une vieille population dans le pays, si
vous vous corrompez en vous fabriquant une idole, une forme de quoi
que ce soit, si vous faites ce qui est mal aux yeux du Seigneur ton
Dieu au point de l’offenser, alors j'en prends à témoin
aujourd'hui contre vous le ciel et la terre : vous
disparaîtrez aussitôt du pays dont vous allez prendre
possession... »
Deutéronome 30, v. 19 « J'en prends à témoin aujourd'hui
contre vous le ciel et la terre : c'est la vie et la mort
que j'ai mises devant vous, c'est la bénédiction et la malédiction.
Tu choisiras la vie pour que tu vives toi et ta descendance »
Cet
écho ne doit pas nous faire passer sous silence que pour Michée,
c'est l’Éternel Dieu lui-même qui est témoin contre son peuple –
il ne prend pas à témoin la terre et le ciel. Aussi, cette notion
de témoignage peut également renvoyer plus loin dans le livre de
Michée, au procès que l’Éternel intente contre son peuple – au
chap. 6. Pour autant, on entend bien la similitude de contexte avec
Deut. 4 et la lutte contre l’idolâtrie et le choix de la vie face
aux désastres qui sont annoncés.
La
chute de Samarie fait signe d'un « faire » ou d'un
« laisser-faire » de Dieu, face à un peuple qui a rompu
son alliance.
v. 2 + v. 3 le « temple saint », le « lieu »
et le « haut lieu » de Dieu
Le
prophète Michée donne une triple localisation à Dieu : temple
saint ou sanctuaire au v. 2, puis lieu ou demeure au v. 3 et enfin
« haut lieu » toujours au v. 3. Il y a deux manières de
comprendre cette triples mention du lieu de Dieu :
1-
soit il s'agit d'un lieu réel : sanctuaire, demeure et
haut-lieux de la terre se retrouvant pour le juadïsme samaritain sur
le mont Garizim et pour le royaume du sud à Jérusalem sur le mont
Sion – deux lieux de cultes situés sur une hauteur.
2-
soit il s'agit d'une métaphore : les actions liées aux lieux
permettent d'ouvrir ce sens : l’Éternel porte témoignage
depuis son temple saint, il sort de sa demeure, il marche sur les
hauts-lieux – ces verbes que nous reprendront ensuite témoignent
d'une compréhension anthropomorphique de Dieu : c'est à dire
que Michée donne à l’Éternel des caractéristiques humaines qui
ne peuvent être que métaphorique.
Par
rapport à cette localisation de Dieu on peut entendre un débat qui
sans doute agitait le judaïsme de l'époque de Michée et d'Esaïe.
En effet ce dernier est le témoin privilégié d'une tension entre
ceux qui enfermaient Dieu dans le temple – le batiment était alors
compris comme le lieu de résidence de Dieu au cœur du monde –
compréhension rependue dans tout le moyen-orient ; et une
conception plus transcendante d'un Dieu échappant à toute
localisation ; telle qu'on la retrouve dans Esaïe 66 :
« Ainsi
parle le Seigneur : le ciel est mon trône et la terre,
l'escabeau de mes pieds. Quelle est donc la maison que vous
bâtiriez pour moi ? Quel serait l'emplacement de mon lieu de
repos ?
Cette
transcendance affirmée, Dieu est inaccessible, retiré du monde tant
qu'il le souhaite. Et il faut qu'il passe à l'action pour se
manifester – on parle alors de Théophanie.
v. 3 « Sortir »,
« descendre », « s'avancer » : un Dieu
qui se manifeste dans l'action
Ce
Dieu inaccessible passe à l'action – trois verbes distincts :
sortir ou « se mettre en mouvement », descendre,
s'avancer ou « marcher » :
« Si Dieu est inaccessible aux hommes, il peut, dans sa
souveraine liberté décider de s'approcher d'eux. מקום
désigne ici nettement le ciel : Dieu sort et
descend. Il intervient dans l'histoire du monde. Ce verset 3 (et le
suivant) sous-entend évidement une tradition théophanique [ c'est à
dire d'une manifestation de Dieu au cœur du monde ] dont se sont
également inspirés les auteurs qui ont décrit les manifestations
de Dieu au Sinaï (Exode 20, 18-21). Manifestation que Michée
veut sans doute rappeler ici. La théophanie – manifestation de
Dieu – était le point culminant de la célébration cultuelle.»1
A
travers cette manifestation, Dieu non seulement est celui qui parle,
mais celui qui agit – Il est seul l'élément dynamique du texte,
un élément qui prend à parti la nature du monde pour sa
transformation. De manière contemporaine, avec la théologie dite
« du process » on peut alors parler de dynamisme créateur
de Dieu, et dans ce sens, nous pouvons alors nous rappeler d'un
souvenir d'enfance d'André Gounelle :
« Quand j'étais enfant, une des strophes d'un cantique qu'on
chantait à l'école biblique, commençait ainsi : « comme
l'ange au vol rapide ». ce « vol rapide »
m'intriguait, et j'ai dû passablement agacer mes moniteurs par des
questions incongrues : pourquoi l'ange n'allai-il pas
lentement ? Pourquoi, comme mon père a l'époque et comme moi
aujourd'hui, se pressait-il tellement ? Ne pouvait-il pas
prendre tranquillement son temps ? Allait-il plus ou moins vite
qu'un avion ?
Ce souvenir enfantin, un peu ridicule, m'a suggéré une dernière
image pour terminer ce chapitre. Dieu ne se dit-il pas toujours enfin
de compte par des paraboles ? Parler de fondement dynamique peut
paraître étrange et contradictoire. D'un bon fondement, on attend
avant tout qu'il soit stable et statique ; on lui demande
d'empêcher que ne bouge la maison qu'il soutient, même en cas de
tremblement de terre. Prenons pourtant un avion. Ses réacteurs le
tiennent en l'ai, l'y maintiennent et l'y soutiennent. En quelque
sort, ils le fondent dans l'atmosphère. S'ils s'arrêtaient, l'avion
tomberait et s'anéantirait immédiatement (le non-être
triompherait). Les réacteurs portent l'avion non pas en le posant,
en l'immobilisant quelque part, mais en le faisant bouger,
progresser, en le propulsant vers sa destination. Dieu agit ainsi. Il
est le dynamisme créateur qui fait exister et avancer l'univers
en son ensemble, comme chacun de nous en particulier »2.
v. 4 Montagnes,
vallées, et pentes des montagnes
Les
éléments de géographie physique qui sont donnés ici ne sont pas
anodin. La manifestation de Dieu est liée à la montagne. C'est vrai
ici, chez Michée, mais c'est vrai de toute la bible : la
montagne est le lieu de la révélation.
Que
l'on pense à l'Horeb ou au Sinaï qui sont les lieux de la
manifestation du Dieu libérateur où va être édictée la loi et
notamment les 10 commandements, mais avant ça, c'est sur une
montagne que se pause l'arche de Noé et sur cette montagne sera
conclue la première alliance. Ce lieu symbolique rythme le texte
biblique ; on peut encore penser dans l'ancien testament au
sacrifice avorté d'Isaac au sommet de Moria, à l'édification du
temple au sommet de Sion, etc. et dans les évangiles, nous
trouverons un écho quand Jésus va prier sur une montagne, quand il
va enseigner, puis quand il va mourir sur une montagne.
La
Bible rejoint ici une conception répandue dans tout le moyen-orient
qui lie les divinités aux sommets – ceux-ci étant perçus comme
des liens de communication entre terre et ciel. L'image des Zigourat
de Mésopotamie – temples pyramidaux s'élevant vers le ciel –
est évocatrice de cette même idée d'une élévation comme
possibilité d'une proximité avec le divin (et on peut également se
souvenir que, quand cette élévation a pour but de prendre la place
de Dieu, c'est Babel !)
v. 4 + v. 7 Le feu et
la théophanie
« Comme
se dissipe la fumée, tu les dissipes ; comme la cire fond au
feu, les infidèles périssent devant Dieu » ce v. 3 du psaume
68 est bien connu dans notre église ; l'image de la cire qui
fond au feu que reprend Michée au v. 4 vient donc comme une image du
jugement de Dieu. Cette image de la cire est explicitement liée à
la justice au psaume 97, 5 : « les montagnes fondent comme
de la cire devant le SEIGNEUR (YHWH), devant le Seigneur de toute la
terre. Le ciel dit sa justice, et tous les peuples voient sa
gloire ». Cette justice ou ce jugement qui fait fondre
l'infidèle pour le psalmiste qui dissout les montagnes pour Michée.
Cette image du feu-jugement qui fait fondre les montagnes est là
encore redoublée par l'image de l'eau qui cour sur le flanc des
montagnes : images de chute ou de « dégringolade ».
L'image
du feu est filée au v. 7 où les gains – les biens aquis – sont
dévorés par les flammes ou les feu. Le registre est alors peut-être
plus celui de la purification que celui du jugement.
Cette
manifestation divine tissée en référence avec les psaumes peut
encore trouver un écho au psaume 18, v. 8 à 16 qui témoigne d'un
surgissement et d'une manifestation surnaturelle de Dieu :
La
terre fut ébranlée et trembla, les fondations des montagnes furent
agitées ; elles s'ébranlèrent, parce qu'il s'était fâché.
De la fumée montait de ses narines, un feu dévorant sortait
de sa bouche, des braises enflammées en jaillissaient.Il inclina le
ciel et descendit avec une épaisse nuée sous ses pieds. Il était
monté sur un keroub3
et il volait, il planait sur les ailes du vent. Il faisait des
ténèbres sa cachette, sa hutte tout autour de lui — des eaux
ténébreuses et de sombres nuages. De la clarté qui le précédait
provenaient ses nuages, de la grêle et des braises. Le SEIGNEUR
tonna dans le ciel, le Très-Haut fit retentir sa voix, avec la
grêle et les braises. Il lança ses flèches et il les dispersa, il
multiplia les éclairs et les frappa de panique. Le lit des eaux
apparut, les fondations du monde furent mises à découvert, quand
tu les rabrouas, SEIGNEUR, par ton souffle, par le vent de tes
narines.
Dans
un raccourci un peu rapide : le keroub sur lequel plane
l’Éternel vient en écho aux réacteurs de l'avion d'André
Gounelle.
v. 5 péché et faute
Le
texte biblique pose la question de la faute, du péché et de la
transgression avec deux mots : le premier a pour racine חטא
- hata' mot qui vient dire autant la faute, le péché
– que le sacrifice qui compense la faute – à un mode spécifique
ce verbe signifie également « manquer sa cible ». Le
second mot utilisé par Michée est formé sur la racine פשע
– pasha` - qui signifie « rompre avec »,
ou « se rebeller face à ». Le premier, lié au
sacrifice, a donc un sens strictement religieux alors que le second
s'insert dans le cadre plus large de la rupture d'une alliance (qui
peut arriver aussi entre deux hommes). Les deux cumulés permettent
de dire que sans doute, le peuple a manqué le but, la cible, חטא
qui lui était donné par l'alliance avec Dieu פשע.
Dans
le questionnement du prophète il n'est pas anodin que la question du
péché et de la faute soit liées aux villes : Jérusalem et
Samarie. Ainsi on peut dire avec Zimmerli :
« le campagnard vivant hors de la ville se reconnaît dans le
fait qu'il voit la source du péché au nord comme au sud, dans les
villes de Samarie et de Jérusalem »4.
Enfin
il faut souligner que si le livre de Michée s'ouvre sur la question
de la faute et de la transgression, il se referme sur le pardon de
cette faute et cette transgression. En effet, il n'est pas anodin
qu'en Michée 7, v. 19s nous retrouvions les deux racines du péché
et de la faute construites de manières similaires, non plus dans la
mise en question d'un jugement, mais dans l'affirmation de la
miséricorde de Dieu :
« De nouveau, il nous manifestera sa miséricorde,
Il piétinera nos péchés,
Tu jetteras toutes leurs fautes au fond des mers... »
v. 6 « je ferai
de Samarie un monceau de pierre » : la ruine de
Samarie
Ce
verset 6 donne une version très imagée de la ruine de Samarie –
nous sommes au sommet du texte qui nous occupe aujourd'hui. Notons
d'ors et déjà que ces mêmes mots, ce même vocabulaire sera
réagencé pour dire au v. 12 du chapitre 3 la chute de Jérusalem.
Pour
bien entendre ce qui se joue à Samarie, à partir du chapitre 15 du
deuxième livre des rois, l'historien André Parot tire ce récit de
la chute de la ville :
« Après la mort de Jéroboam II, son fils Zacharie ne tiendra
que 6 mois. Shallum l'assassine et prend sa place. Un mois plus tard,
il est éliminé par Menahem qui règne sans doute 8 ans. Le roi doit
payer un lourd tribu à Tiglatpileser III (745-727) en compagnie de
beaucoup d'autres souverains, entre autres ceux de Damas, de Byblos
et de Tyr.
La situation s'aggrave d'année en année et ce ne sont pas les
souverains qui maintenant se succèdent à Samarie qui vont la
redresser. Le chaos intérieur, qui accompagne toujours la
réapparition des dangers extérieurs, a reprsi et ne cessera plus :
Peqahia, fils de Menahem, est assassiné par son officier
d’ordonnance, Péqah. A nouveau au pouvoir, les militaires
s'efforcent de faire front et de parer à la seule menace, au seul
péril et ceux-ci viennent de Ninive. Oubliant toutes les vieilles
rancunes, Peqah s'allie à Retsin, roi de Damas. Il a bien mal
choisi, car la fin d'Aram est arrivée, la ville est prise et toutes
les aglomérations de son territoire sont rasées. Retsin est
exécuté.
Dans cet effondrement, Israël aurait pu connaître immédiatement le
même sort. Pour le moment, il perd ses territoires septentrionaux et
occidentaux. Ceux-ci deviennent les provinces assyriennes, avec
gouverneur de Magildu, Duru, Galaza. Les
populations, ou tout au moins, les classes dirigeantes sont
déportées.
Ces revers à l'extérieur ont aussitôt une répercussion sur le
plan intérieur : Péqah est assassiné et Osée, très
certainement avec l'appui des Assyriens, monte sur le trône.
Le nouveau roi ne se dérobe a
aucune servilité mais un trône vaut bien quelque tribut. Cela se
prolonge quelques temps jusqu'au jour où Osée, qui joue double jeu
et s'efforce de secouer le joug avec l'aide de l'Egypte est dénoncé.
Il est immédiatement arrêté. Pour éviter toute récidive, le roi
d'Assyrie qui est alors Salmanazar V met le siège devant Samarie. La
ville résiste pendant trois ans, ce qui en dit long sur ses moyens
et ses ressources, pourtant inférieurs à ceux d'adversaires
habitués à la guerre de position et supérieurement outillés. Dans
les premiers mois de 721, la capitale est prise et Sargon II qui a
remplacé Salmanazar sur le trône de Ninive célèbre sa victoire, à
l'instar des plus grandes. Plusieurs relations en sont données, qui
sont gravées sur la terre ou sur la pierre. Voici celle retrouvée
ces dernières années dans les fouilles de Nimrud, mise en parallèle
avec le texte biblique rapportant le même événement.
Prisme de Sargon :
L'homme de Samarie
qui avec un roi, qui m'ait hostile, s'étaient unis pour ne pas me
rendre hommage et ne pas me verser tribut, me livrèrent
bataille ; avec la force des grands dieux mes seigneurs, je
me heurtai à eux : 27280 personnes avec leurs chars, les
dieux en qui ils avaient mis leur confiance, comme butin je
dénombrai 200 chars en tant que ma dotation royale, je récupérai
sur eux. Le reste, je donnai instruction pour qu'ils fixent leur
demeure au milieu de l'Assyrie.
|
II. Rois XVII :
le roi d'Assyrie
envahit tout le pays, marcha sur Samarie, et en fit le siège
pendant trois ans. La neuvieme année d'Osée, le roi d'Assyrie
s'empara de Samarie
et il déporta les
Israëlites en Assyrie. Il les installa à Khalakh, au bord du
Khabur, la rivière de Gozan et dans les villes de Médie.
|
Les deux versions se complètent
parfaitement et l'essentiel est donc connu. La capitale fut prise et
vidée de sa substance. Les méthodes étaient bien au point :
on déportait les forces vives de la nation et on bouchait les vides
en ramenant d'autres populations, elles-mêmes provenant de
territoires asservis. Au sens strict des termes, il s'agissait de
personnes déplacées. Cet euphémisme couvrait des procédés
inhumains mais considérés comme indispensable par les maître de
l'heure. Ceux-ci avaient jeté à terre une nouvelle victime. Le
royaume d'Israël avait vécu. Deux siècles après sa fondation, il
était rayé de la carte. » 5.
v. 7 : « gains
de prostituée »
Ce
verset 7 revient sur la faute ou le péché de Samarie, une redite
dans les termes de l’idolâtrie. Cette idolatrie passe par le culte
des statues et par la prostitution dite sacrée. Deux témoignages
bibliques illustrent cette prostitution. Le plus proche de Michée
est dans le livre d'Osée au chapitre 4 v. 11ss ; ce texte
conjugue deux niveaux de sens en liant la prostitution sacrée
païenne et idolatre (passage souligné), à la prostitution
symbolique du peuple ayant rompu l'alliance (texte mis en italique) :
La
prostitution et le vin, le vin nouveau, font perdre la tête.
Mon
peuple interroge son morceau de bois, c'est son bâton qui lui
parle ; parce qu'un souffle de prostitution les égare, ils se
prostituent loin de leur Dieu.
Ils sacrifient
sur le sommet des montagnes, ils offrent de l'encens sur les
collines, sous un chêne, un peuplier, un térébinthe, dont l'ombre
est plaisante !
C'est pourquoi
vos filles se prostitueront, et vos belles-filles seront adultères.
Je ne ferai pas
rendre des comptes à vos filles pour leur prostitution, ni à vos
belles-filles pour leurs adultères, puisque eux-mêmes vont à
l'écart avec des prostituées et sacrifient avec des prostituées
sacrées.
Un peuple sans
intelligence court à sa perte.Si tu te prostitues, Israël, que Juda
ne se mette pas en tort ; n'allez pas au Guilgal, ne montez pas
à Beth-Aven, tout en jurant : « Par la vie du
SEIGNEUR ! »
Parce qu'Israël
est rétif comme une vache rétive, maintenant le SEIGNEUR le fera
paître
comme un mouton
dans de vastes prés. Ephraïm est associé aux idoles :
laisse-le ! A peine ont-ils cessé de boire qu'ils se
prostituent ; leurs chefs aiment le mépris. Le vent les
enveloppera de ses ailes, et ils auront honte de leurs sacrifices.
La
portée symbolique ou métaphorique de la prostitution disant
l’idolâtrie aura de beaux jours devant elle dans les Ecritures :
on peut penser notamment aux chapitres 16 et 23 du livre d'Ezechiel
qui développe cette image de la prostitution ou, plus proche de nous
dans le Nouveau Testament, la figure de la grande prostituée dans le
livre de l'Apocalypse.
Ouvertures en
guise de conclusion, ou pour aller plus loin :
1-
L'influence cananéenne :
Ne
transparait pas dans l'étude que nous venons de suivre un aspect
fondamental de ce passage du livre de Michée que l'on peut résumer
en parlant d'influence cananénne. En se situant sur le plan forme :
la mention des hauts-lieux, de la prostitution, des montagnes, d'un
Dieu descendant sur les montagnes, de la prostitution sacrée ;
tout cela fait de nombreux signes en quelques versets, vers une
racine cananéenne, par laquelle la religion d'Ougarit aurait eu une
influence sur le milieu du prophète Michée.
2-
Une catastrophe dans laquelle Dieu est présent :
Ensuite
sur le fond du discours de Michée le désastre de Samarie est une
catastrophe. Mais une catastrophe dans laquelle Dieu est présent –
il ne reste pas retiré du monde pour laisser aller les forces du
mal. Il est là – sorti de son repos - témoin de la possibilité
d'autre chose que celle d'une mort annoncée pour Jérusalem :
pour peu que son peuple revienne dans son alliance et abandonne sa
prostitution aux idoles.
1R.
Vuilleumier, « Michée », p. 16
2A.
Gounelle, Parler de Dieu, Van
Dieren Ed., p. 142s
3La
TOB traduit Keroub par Chérubin – il s'agit d'un être
mythologique volant le texte hébreu créé ici une allitération :
il chevaucha un keroub : וירכב
על כרוב
wayerekab 'al-kerub
4W.
Zimmerli, Esquisse d'une théologie de l'ancien testament,
p. 235
5A.
Parrot, Samarie, capitale du royaume d'ISraël, cahier d'archéologie
biblique n°7, p. 33-37
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